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Retraites: juin 2010; comprendre où on en est

Le problème des retraites est un vrai enjeu de société qui touche à tous ses éléments: les branches et catégories socio-professionnelles et leurs systèmes de rémunération, le partage de la valeur ajoutée entre salaires et capital, la pénibilité du travail physique et psychologique laquelle s'accentue avec l'âge... tout cela est lié au système économique tel qu'il s'est développé au cours de soixante ans depuis 1945. Passons en revue quelques éléments du problème.

Premier élément les retraites résultent des contributions des salariés

Les contributions des salariés sont constituées de prélèvements sur leur salaire brut mensuel/annuel et de la part (la plus importante) payée par leur entreprise; ces déductions sont des salaires différés, ou une renonciation à consommer pour acquérir un droit à consommer lors de la cessation d'activité. Il s'agit donc d'une épargne que le salarié retrouve quand il est en retraite. Du point de vue comptable, la somme des contributions durant la période d'activité doit - idéalement - être égale à la somme des pensions touchées durant la période de retraite.

Prenons par exemple une personne qui commence à cotiser à 23 ans, part en retraite à 63 ans, et meurt à 83 ans. On aura un flux monétaire de 60 années dont 40 années seront des cotisations versées et 20 années des pensions perçues. On peut considérer les 40 années de cotisations versées comme des investissements (en négatif), et les 20 années de pensions perçues comme des produits (en positif). Comme les cotisations versées et les pensions perçues sont faites à des années différentes qui s'échelonnent sur 60 ans, on ne peut pas se contenter d'en faire la somme arithmétique. Il faut utiliser une méthode d'actualisation pour éliminer l'influence de la variation du niveau des prix. L'actualisation consiste à se dire quel est le montant que je dois investir à l'année 1 pour toucher tel montant à l'année 20 avec un taux d'intérêt de 3.5% par exemple. Ou quel est le montant que j'aurais dû investir à l'année -40 pour toucher tel montant à l'année 1. On peut alors considérer un taux d'actualisation (équivalent à un taux d'intérêt par exemple 3.5%) et calculer pour chaque année la valeur de la cotisation versée ou de la pension perçue à l'année 40, année de départ en retraite, et en faire la somme. On obtiendra ainsi la valeur actuelle du flux financier cotisations/pensions sur les 60 ans. Mieux, on peut calculer quel est le taux d'actualisation (ou d'intérêt) qui rend le flux des pensions égal au flux des cotisations, cad. qui rend nulle la valeur actuelle du flux complet. Ce taux d'actualisation est appelé le taux de rentabilité interne TRI. Que le dispositif de retraite soit par répartition ou par capitalisation, le résultat est le même sur le plan strictement monétaire.

L'intérêt du TRI est de permettre des comparaisons entre les individus selon leur histoire professionnelle et selon les régimes de retraite. Une personne qui meurt tôt aura un TRI faible, tandis qu'une personne qui meurt tard aura un TRI plus élevé. La combinaison des TRI de tous, dans un même régime et en regroupant tous les régimes doit tendre vers un équilibre du système global et à une juste répartition entre tous les cotisants et bénéficiaires. Il n'est pas possible de connaître les TRI individuels; seules les caisses de retraite ont les données nécessaires qui ont été utilisées par le COR. Les caisses de retraite disposent en effet de toute l'histoire des cotisants jusqu'à leur départ en retraite. Elles disposent aussi de données de flux complets d'individus.

Il est important de comprendre que les pensions que les salariés perçoivent en retraite, sont la contrepartie exacte des contributions pendant leur période d'activité -cotisations du salarié plus celle de son employeur. Nous verrons plus loin quel est l'impact du dispositif par répartition ou par capitalisation.

Deuxième élément, la solidarité et la redistribution

Quand on perçoit une(des) pension(s) de retraite, une partie de celle(s)-ci n'ont pas de contrepartie contributive du salarié et de son employeur; il en est ainsi des périodes de chômage, de maladie, de congé parental.... et des différents avantages accordés par les régimes de retraite comme les majorations pour enfants ou les minimum vieillesse. Il en est de même des pensions de reversion aux conjoints survivants.

Les avantages accordés aux retraités varient selon les régimes. Il s'agit de parts qui peuvent être importantes dans les pensions versées. Il est difficile de les quantifier avec précision mais le COR estime que la part "solidarité et redistribution" de tous les régimes confondus représenterait 20% du montant total des pensions versées (COR2010-page23).

Nécessité de financement différent des deux éléments contributif et solidarité

La part des pensions qui a pour contrepartie des cotisations des salariés et de leurs employeurs est alimentée par ces recettes contributives. Elles sont une part de la valeur ajoutée VA de la production des entreprises - le partage de la VA entre salaires et capital est régulièrement l'objet de débat, c'est le cas aujourd'hui où des économistes constatent un partage plus favorable au capital depuis les années 1980 que durant les 30 glorieuses. La part "solidarité et redistribution" ne peut pas être financée par les recettes contributives. D'autres recettes doivent être mobilisée au moyen de divers prélèvements obligatoires (COR2010-pages24-25) qui alimentent les caisses et le Fonds de solidarité Vieillesse FSV.

Troisième élément, les différences importantes entre les nombreux régimes de retraite

Le système de retraites français est divisé en un grand nombre de régimes différents, résultat de l'histoire de la constitution des retraites des salariés. Le régime des fonctionnaires est le plus connu avec des différences importantes mais qui constituent le contrat entre l'État employeur et ses employés. Il en est de même des régimes spéciaux comme celui des mineurs ou de la SNCF, de la RATP ou de l'EDF et de l'armée. C'est possible dans de tels régimes par exemple de bénéficier d'une pension lorsqu'on a cotisé durant 15 ans. Cela permet de changer de métier tout en bénéficiant d'une petite pension.

Quatrième élément, régime général et régimes complémentaires

Le régime général donne une pension identique pour tous à cotisation et durée de cotisation identique (lien) ; les régimes complémentaires donnent une pension variable en fonction des cotisations versées; il s'agit d'une système par points, caractérisé par un coût d'acquisition du point et par une valeur du point acquis sur laquelle est calculée le montant de la pension. Les régimes complémentaires peuvent plus facilement assurer l'équilibre de leurs comptes principalement en augmentant le coût d'acquisition du point retraite et par la valeur du point. Au coût d'acquisition s'ajoute le relèvement régulier du plafond de la sécurité sociale qui réduit l'assiette sur laquelle s'appliquent les cotisations de retraites complémentaires; il en résulte que pour un salaire donné qui reste grosso-modo fixe, on acquiert de moins en moins de points de retraite complémentaire. Du côté de la valeur du point retraite, celle-ci n'est revalorisée que par rapport à l'inflation des prix, d'un % identique ou moindre que la revalorisation de la retraite du régime général.

Cinquième élément: la pénibilité du travail

La pénibilité du travail, physique et psychologique, affecte le désir de partir en retraite et durée de vie des retraités. Le travail des mineurs, pêcheurs, sidérurgistes, manutentionnaires, ouvriers du bâtiment.... est physiquement pénible. Le travail des employés, cadres et ingénieurs est jugé moins pénible. Cela se reflète dans les tables de mortalité par catégories socio-professionnelles. Mais la mortalité plus élevée des ouvriers par rapport aux cadres, est aussi liée à des comportements culturels et à l'éducation reçue - tabagisme, alcoolisme etc... Bref ces éléments ne sont pas un problème de l'élément contributif des retraites mais un problème de la sécurité, des conditions de travail et d'une juste rémunération ou compensation des handicaps. Exemple le plus criant, les mineurs et la silicose, ou les ouvriers exposés à l'amiante (asbestose). A ce titre, cet élément devrait être couvert par la solidarité plutôt que par les contributions.

Dernier élément: répartition ou capitalisation

L'explication par le TRI montre que répartition ou capitalisation c'est la même chose du point de vue strictement monétaire. La différence provient de l'emploi des fonds dans la capitalisation et de l'évolution du système démographique et économique dans la répartition. Si les gestionnaires de fonds de pension font des erreurs dans le choix des placements, cela peut conduire à des pertes importantes en capital dont les pensionnés seront les victimes. Si le nombre de pensionnés s'accroît par rapport aux actifs contributeurs et si la situation économique stagne ou se dégrade, les pensions seront plus difficiles à financer.

Conclusion

Notre système de pensions dépend d'abord de 3 leviers de l'élément contributif: montant des cotisations versées par les employeurs et les salariés, âge de départ en retraite, et niveau des pensions perçues. A cela s'ajoute l'élément solidarité et redistribution lequel dépend de prélèvements obligatoires. Se focaliser seulement sur l'âge de départ en retraite conduit forcément à ce que l'équilibre doive se réaliser par un accroissement des cotisations et/ou par une baisse du niveau des pensions. Vu l'accroissement de la durée de vie en général, mais avec des différences marquées de pénibilité du travail et de durée de vie en retraite, vu les évolutions économiques ... il paraît inévitable de devoir faire jouer davantage la solidarité par un accroissement des prélèvements obligatoires. La croissance économique continuelle avait jusqu'ici permis de ne pas le faire.

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Mis en ligne le 21/05/2010 par Pierre Ratcliffe.